African Initiative : de la diplomatie publique aux opérations d'influence numériques

Depuis la disparition d’Evgueni Prigojine en août 2023, l’appareil d’influence numérique russe en Afrique a connu une profonde mutation. Ce vide laissé par Wagner n’a pas marqué la fin des opérations de propagande, mais plutôt leur réorganisation sous l’égide directe de l’État russe. C’est dans ce contexte que VIGINUM, l’agence française de vigilance et de lutte contre les ingérences numériques étrangères, a mené une enquête approfondie sur un nouvel acteur central de cette stratégie : African Initiative.

Créée en septembre 2023 et basée à Moscou, African Initiative se présente comme une agence de presse indépendante dédiée à renforcer les liens entre la Russie et l’Afrique. Derrière cette façade journalistique se cache un dispositif sophistiqué de désinformation, piloté par des individus liés aux services de renseignement russes. L’agence diffuse massivement des contenus pro-russes et anti-occidentaux dans plusieurs langues, notamment le français, l’anglais et l’arabe, via des plateformes comme Telegram, Rutube ou TikTok. Malgré une audience modeste, son activité est intense et ciblée.

Mais African Initiative ne se limite pas à une présence numérique. Elle s’implante physiquement sur le continent africain, notamment au Burkina Faso, à travers une structure associative qui organise des événements culturels, sportifs et éducatifs. Cette stratégie vise à légitimer la présence russe en Afrique en s’appuyant sur des relais locaux, souvent recrutés parmi les influenceurs, journalistes et militants. L’association burkinabè, portant le même nom et le même logo que l’agence moscovite, illustre cette volonté d’ancrage territorial.

VIGINUM révèle également l’existence d’un mode opératoire informationnel baptisé « AI-Freak », probablement sous-traité à une société de web marketing. Ce dispositif repose sur l’utilisation de contenus générés par intelligence artificielle et des techniques de référencement trompeuses (black hat SEO), afin d’amplifier les récits pro-russes auprès des publics africains. Cette approche hybride mêle technologie, manipulation et stratégie géopolitique.

L’enquête souligne les liens étroits entre African Initiative et plusieurs institutions russes, telles que le ministère de la Défense, la Douma, ou encore des universités comme le MGIMO. Ces collaborations permettent à l’agence de recruter, former et déployer des relais d’influence sur le terrain, tout en renforçant son image auprès des audiences ciblées.

Enfin, African Initiative s’illustre par sa capacité à produire des contenus culturels et éducatifs : podcasts, documentaires, jeux vidéo, conférences. Ces productions véhiculent des narratifs anti-occidentaux et valorisent la coopération russo-africaine, dans une logique de soft power assumée.

À travers cette analyse, VIGINUM met en lumière une stratégie d’influence russe en pleine recomposition, où African Initiative joue un rôle pivot. Derrière les apparences d’un média alternatif se dessine une opération coordonnée d’ingérence informationnelle, qui cherche à façonner les perceptions et à redéfinir les alliances sur le continent africain

Complément : quels sont les succès et les limites du fact-checking aujourd'hui notamment au Sahel ?

Réponse par Harouna Drabo, analyste de la désinformation au Sahel,présent lors du Forum annuel " Faire face ensemble : protéger la démocratie face aux manipulations de l'information" organisé par hashtag#VIGINUM en mars dernier


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Cybersécurité

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